• (R)Évolution

    Je me pose actuellement la question de l'avenir de ce blog. Tout d'abord organisé de manière chronologique, année par année universitaire, ma vie a actuellement pris un tournant non prévu qui déroge un peu à cet ordre (et m'amène à moins poster, par manque de temps ou d'envie, mais souvent les deux). Jugez-en vous-même : toujours pas dans le cursus vétérinaire, déjà hors des études depuis 2 ans... Ma vie et le chemin de traverse qu'elle est en train d'emprunter ne ressemblent en rien à ce que j'avais imaginé. Genre, à mille lieues. À quel point ?

    Quand j'étais en primaire, de temps en temps je prenais une feuille et je listais en colonne les années scolaires à venir, et le niveau scolaire que j'aurais atteint - y compris la passation du concours vétérinaire dans loooongtemps. C'était sans compter, évidemment, les imprévus qui sont forcément arrivés, et le fait que moi je changeais. Mes 3 certitudes sont restées fixes, dont celle de devenir vétérinaire, comme l'aiguille d'une boussole qui indiquera toujours la même direction.

    Petite, j'avais donc prévu qu'à mon âge actuel, je serais déjà sur la fin des études vétérinaires. Je ne les ai même pas encore entamées.

    À quoi ressemble ma vie à la place de ça ? Elle est en fait tellement plus large que ce que j'avais imaginé, et tellement différente de celle que j'avais pendant mes études. Et j'en suis contente, même si certains épisodes n'ont vraiment pas été évidents à surmonter.

     

    J'occupe à temps plein un emploi pour financer la reprise de mes études. Emploi jugé ingrat par nombre de mes collègues, que je plains plus que moi parce que j'aurais au moins la possibilité de le quitter à n moment donné, ce qui ne sera pas le cas de la majorité d'entre eux - excepté quand ils auront des problèmes de santé trop importants pour poursuivre. De mon point de vue, tout ingrat que cet emploi puisse paraître, c'est aussi une expérience personnelle car c'est socialement radicalement différent de tout ce que j'ai connu. Et c'est tant mieux. Je me dis que je vis un petit peu moins dans un « entre-soi » pour un temps.

    Mon temps libre, je le partage principalement entre deux associations, une dans le domaine vétérinaire et une autre liée aux projets Wikimedia (Wikipédia, Wikimedia Commons...), auxquels je contribue toujours. La seconde association occupe une grande part de ce temps libre puisque j'y suis aussi impliquée au niveau de l'organisation, surtout en ce moment.

    Je n'avais pas anticipé le fait de me découvrir progressivement autiste. Je n'avais pas prévu tout le chamboulement que ce serait avant d'en arriver à cette conclusion, ni les tourments suite aux nouvelles situations auxquelles je serais confrontée à la fin de mes études, quand je serais confrontée à un changement de cadre intense et à des situations sociales tout à fait nouvelles. Au point de penser que j'étais juste folle, de passer vraiment de sales moments, avant de littéralement échouer comme une loque chez un psychologue qui n'y connaissait visiblement rien et qui n'a rien trouvé de mieux que de me dire « Mais vous n'êtes pas autiste, vous n'avez pas l'air handicapé ». J'ai compris que son argument n'était pas valide, que ce questionnement valait plus qu'un revers de main, et un tiers convaincu a fini par me convaincre aussi que oui, c'était une possibilité à sérieusement considérer pour expliquer ce qu'il se passait. Je n'avais pas anticipé non plus le soulagement intense que cela représenterait une fois confirmé.
    Cela explique aussi à quels points mes intérêts peuvent être forts et sources d'apaisement. Pourquoi quand je me pique de curiosité pour une chose, ça peut vite friser l'obsession aussi.
    C'est également une porte ouverte à une certaine réinterprétation d'évènements passés. Comme le fait d'avoir vécu dans des conditions que l'on pourrait considérer d'« autistiquement » idéales pendant toutes mes années d'études, qui, combiné aux capacités de masking accru que les AFAB (personnes assignées fille à la naissance), pourraient expliquer pourquoi je n'avais jamais sérieusement envisagé la possibilité de l'autisme plus tôt - alors que maintenant, ça semble une évidence. Je suis contente de l'avoir appris au bon moment. Ce n'est pas le cas de tout le monde.

    Je n'avais pas prévu non plus le fait d'apprendre que j'étais probablement trans, comme un coup de marteau. Ni la tempête de plusieurs mois qui précèderait ni l'apaisement qui s'ensuivrait, mais toujours avec des périodes de doute (suis-je légitime ? ne me prendrais-je pas la tête pour rien ? est-ce que je ne vole pas cette étiquette à d'autres qui en souffrent vraiment ?). Même si de mon point de vue, je pense que je n'aurais pas à me définir ainsi si la société considérait et traitait les gens de manière juste quelque soit l'espèce de sexe entre les jambes avec lequel ils naissent (en quoi est-ce si important d'ailleurs la plupart du temps ?), et qu'au fond, il s'agit juste de se situer une fois de plus par rapport à une norme (mal) construite qu'il serait bien temps de dynamiter et non de perpétuer.

    Ce qui reste de mon temps libre (ou de la procrastination), je le consacre souvent à lire ou écouter des choses diverses sur des intérêts : féminisme, genre, socio... ou juste à procrastiner plus inutilement en regardant du contenu - mais parfois, c'est quand même intéressant. Beaucoup de choses auxquelles je m'intéresse depuis des années, que j'avais refoulées un temps étudiante (pour plein de mauvaises raisons), et dont finalement j'assouvis l'intérêt désormais. Je me dis qu'une étude américaine prouve certainement que c'est bon pour la santé.

    Je n'avais pas prévu que tous ces intérêts combinés me donneraient accès à de super opportunités. J'ai assisté à une conférence internationale sur les projets Wikimedia en Afrique du Sud récemment, et j'ai donné quelques temps plus tard ma première conférence sur le sujet, qui s'inscrit dans le cadre d'un projet qui devrait se poursuivre après cet évènement (#teaser ?). Aussi, alors qu'il y a un an j'aurais freiné des quatre fers, je participe doucement à l'organisation d'évènements à venir, et espère en organiser après si ceux-là se passent bien si je ne finis pas dégoûtée.
    J'ajoute à tout ça la chance de pouvoir partager beaucoup de ces choses avec quelqu'un qui partage beaucoup de ces intérêts et de mes points de vue, tout en me permettant de sortir un peu de ma zone de confort de manière souvent safe : avoir à ses côtés quelqu'un comme ça est quelque chose de très précieux. Bien s'entourer est précieux. Je pense aussi qu'une étude américaine l'a certainement prouvé.

    Alors certes, je n'ai toujours pas fait mon voyage rêvé en Italie, je ne (re)monte toujours pas à cheval, je n'ai pas mon espace bureau et ma bibliothèque, je ne vis toujours pas avec mon chien idéal, je ne suis pas devenue une personne adulte pleine de confiance en soi (mouahaha, doux rêve impossible) et j'ai potentiellement pas encore fait la moitié de ce que je pensais avoir fait à mon âge. Mais je suis en train de vivre des expériences super chouettes (ou soyons honnêtes, parfois très tristes aussi... ou frustrantes et rasoir) et ça va continuer. Une étude américaine le prouvera peut-être.

    (enfin j'espère)

    En tout cas, j'ai toujours ma boussole avec moi.

    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    Tags Tags : , , , , , ,