-
Quand on s'aperçoit bien... (bis)
... qu'un non-sco c'est pas si courant (2ème partie).
Dans le billet précédent, je parlais donc du fait que les gens se souvenaient de notre famille, en pensant à la particularité qu'on faisait l'école à la maison, étant donné qu'ils l'apprenaient tôt ou tard.
Sur ce, dans les commentaires, a suivi l'expérience similaire de Grabouilleuse (faites un saut sur son blog, ça vaut le coup !), elle même non-sco* depuis une dizaine d'années (n'hésite pas à me corriger dans les commentaires si c'est erroné!), à propos de la réaction des gens qui apprennent notre mode d'instruction un peu particulier :-).
C'est pourquoi c'est de cela que je vais parler dans ce billet : comment les gens perçoivent-ils le fait que nous n'allions pas à l'école ?
Pour notre part, généralement bien (ce n'est pas le cas pour toutes les familles).
Du côté des adultes, on est toujours tombés sur des personnes compréhensives et bienveillantes .
Déjà, voir débarquer une mère et 3 enfants un jeudi après-midi (jour-de-classe !) dans une bibliothèque par exemple, il y a de quoi s'interroger. A cette heure là, c'est plutôt l'heure des retraités qui cherchent du calme ;-).
Quoi ? « y'a pas école aujourd'hui ? » encore des grèves ? - Noooon, on fait l'école à la maison madame/monsieur .
Comme généralement nous avions le temps (et en pleine semaine, les bibliothéciares ne sont pas super débordés, du moins les nôtres), on en venait rapidement à nous poser des questions, et puis de fil en aiguille, la discussion durait un peu.
Les gens sont souvent étonnés et très curieux (sauf quand on ne fait que passer en coup de vent !).
Tout comme nous, la plupart pensent que nous avons de la chance de ne pas aller à l'école, de pouvoir étudier comme on voulait (note : mais on a toujours étudié de manière sérieuse, faut pas croire !), d'aller se promener un jeudi après-midi parce qu'il fait beau (etc.), même si ce n'est pas forcément ce qu'ils auraient voulu faire pour eux ou leurs enfants.
Grâce à ça, rendez-vous compte, on épate même notre orthodontiste parisienne (bac + ???) toutes les 6 semaines . Elle nous trouve supers et méga-courageux .
Certaines personnes admettent même que l'école n'était pas un milieu tout rose et adapté à tous les enfants, à toutes les personnalités.
Bref, ne serait-ce que pour cette compréhension, moi je dis : merci !
A côté de ça, il y a les inspecteurs de l'Éducation nationale, mais ça, c'est une autre histoire les petits enfants !Côté jeunes qui vont encore à l'école maintenant. Étant donné que la première question quand j'ai rencontré des jeunes de la région c'était « Je ne t'ai jamais vue, tu viens de quel lycée ? », il y a un moment où on le leur dit aussi ;-).
En guise de première réaction, j'ai surtout eu le droit à l'étonnement, et aux questions (ensuite, c'est l'indifférence totale ; mais je ne m'en plains pas du tout, ce serait soûlant sinon :p !). Le truc, c'est qu'ils ont souvent du mal (beaucouuuuup de mal, même !) à envisager comment j'ai pu suivre ce parcours pas pendant des années, mais au quotidien.
Ainsi, ils veulent savoir comment je passe mes examens (oui, dans un « vrai » établissement, pas chez moi non plus ^^), et comment je m'organise sans prof pour me « pousser au derrière » on va dire, bref, comment c'est possible tout simplement . Ils sont quand même rares à l'idée de penser qu'ils pourraient faire la même chose j'ai trouvé.
Et puis aussi, le jour du bac, j'ai aussi eu le droit à : « Whoah, génial, tu peux faire la grasse mat' tous les jours et tu bosses quand tu veux !!!! » !Euhm... non coco, je fais des journées de travail pleines, je suis sincèrement désolée de te décevoir ... Le même était carrément étonné quand je lui ai répondu oui, au fait que j'aie bien vu tout le programme de Terminale !
C'est étrange tout de même. Ce n'est par parce que l'on ne va pas à l'école que c'est les grandes vacances toute l'année ;-). Oui, je travaille, et même sérieusement, et je sais me mettre au boulot toute seule . Je ne sais pas pourquoi, mais j'aurais du porter un panneau sur mon front « Non, je ne vais pas à l'école, mais je ne glandouille pas non plus » . Z'en pensez quoi ?
Mais ça me fait beaucoup rire l'assimilation pas école <=> vacances, ou beaucoup moins de travail.
A propos du niveau, des études américaines ont montré que les enfants pratiquant le homeschooling avaient des résultats scolaires quand même supérieurs à la moyenne, alors [voir ici] :-).
Et côté rythme, eh non, ce n'est pas vrai, la preuve, à partir de la Première, j'ai même commencé à travailler après le goûter, et à partir de la Terminale, à bosser après le repas du soir, et les week-ends, rendez-vous compte !
Par contre, je vais aussi raconter côté virtuel. C'est parfois différent :-).
Autant j'ai « rencontré » des personnes ouvertes d'esprit et fort agréables, autant ailleurs beaucoup moins (mais je ne prends pas ça de manière dramatique non plus ;-) ).Pour illustrer ce dernier exemple, je vais vous raconter un fait récent (attention, c'est un peu long, mais d'un autre côté, je ne vous oblige pas à me lire ! si vous voulez sauter ce passage, rendez-vous ici).
Récemment, sur un forum dédié aux mathématiques, je suis allée remercier les membres pour leur aide durant cette dernière année scolaire, et m'ajouter à la liste de ceux qui avaient obtenu leur bac.
Bon, en passant, je n'ai pas pu m'empêcher de réagir à un p'tit truc, certes.
Plus haut, certains membres avaient parlé de la plus jeune candidate du bac de l'année qui a passé son bac en candidat libre (et l'a eu !), alors âgée de 13 ans. Rien que ça déjà (et avec mention il me semble), moi, je dis chapeau !L'un des « forumeurs » disait que c'était d'autant plus remarquable « qu'elle l'a passé en candidat libre » (sous-entendu : que c'est plus difficile). Plus loin un autre réagissait « Je ne sais pas comment j'aurais pu sauter 5 classes », d'où le mot d'une personne renseignée « C'est sa mère qui lui enseignait à la maison » (=> où l'on apprend donc que cette jeune fille a été instruite en famille donc !).
Enfin, un dernier, dont le message en gros était « C'est pas un peu malsain de ne pas aller à l'école ? c'est aussi un lieu de socialisation où l'on apprend les relations sociales, où l'on rencontre tout de même une certaine une masse de gens ».Je rentre en scène... Moi, remerciant (bah oui, j'y allais quand même pour ça au départ !), mais ajoutant (parce que je n'aime pas les personnes qui ont une réflexion à deux balles en se fourrant -qui plus est - le doigt dans l’œil jusqu'à l'omoplate comme dirait ce cher bon vieux capitaine Haddock) que j'ai moi-même passé mon bac candidat libre (oui !), que je n'allais pas à l'école depuis plus de 10 ans (oui !), que l'école à la maison était loiiiiiiin de couper les enfants de relations sociales (oui aussi !) ; et pour finir, que j'étais ravie d'apprendre qu'avant la création de l'école gratuite, les enfants n'étaient pas sociables / socialisés (c'était de l'ironie, vous l'aurez bien compris ;-)).
Et que s'ils le souhaitaient, ils peuvent passer sur notre blog qui leur donnera un léger aperçu de notre mode de vie.
Sur ce, le même reprend que l'école c'est également là pour apprendre la contrainte (sic), parce qu'on y était obligé d'étudier même de qu'on n'y aime pas, en gros que sans l'école, on foutrait rien (re-sic).
Avec ma jolie plume, je réponds donc que mes contraintes, je sais me les poser moi-même (et que j'ai appris à me les fixer, sans école), et que oui, j'étudie toutes les matières y compris celles que je n'aime pas (le contraire me paraitrait comme ça : ).
Enfin, que je sais travailler de manière totalement autonome, contrairement à certains jeunes de mon âge qui ne savent même pas encore le faire. Je me suis arrêtée là.Deux jours plus tard, j'ai reçu dans ma messagerie un e-mail de V., qui s'excusait d'avoir eu cette réaction « débile » (ce sont ses mots), et était très content que j'ai réussi à poursuivre mes études aussi loin malgré l'autisme.
Ho-ho ....
Je crois qu'il a compris que nous étions tous autistes dans la fratrie, alors qu'en fait, c'est seulement mon petit frère qui l'est !
Du coup, je me suis posée la question : 1/ je suis honnête et je lui réponds que je ne suis pas autiste 2/ je m'en fous, je le laisse avec ses certitudes (et se fourrer encore plus loin le doigt dans l’œil...).
Sauf que mon problème à moi, c'est d'être honnête (groooos problème vous l'avouerez sans doute ).
Donc, j'écris un message pour rectifier le tir, non, je ne suis pas autiste.Ce que j'ai pensé très fort, mais que je n'ai pas écrit : en quoi serait-il plus légitime pour être instruit en famille d'être porteur d'un handicap ? les enfants avec handicap auraient-ils donc moins leur place à l'école que les enfants « normaux » ? [dans les faits, apparemment oui, puisqu'aucun effort n'est fait pour leur octroyer des AVS (= auxiliaires de vie scolaire) formés, ni même former les enseignants (déjà débordés !) aux handicaps (manque de moyens et principe de réalité, qu'ils disent à l'Éducation nationale - ah oui, mais si on commençait déjà par voir ce ministère comme notre avenir plutôt que de le diriger comme une entreprise...)...].
Mais restons zen cocotte !
A la place, j'en ai profité pour réagir face au fait que je ne côtoie effectivement pas cette « masse » dont il parlait sur le forum (et alors ? je rencontre d'autres gens quand même !).
Et je dis ce que je pense : être 8 h par jour avec des personnes du même âge que moi, regroupés uniquement à cause de notre année de naissance, ne me semble pas très pertinent... En outre, j'aurais un peu l'impression d'être sous bulle dans une école.
Je préfère également rencontrer des gens d'âges différents (zen, zen).
J'ajoute que des personnalités également ne sont pas allées à l'école. J'ai donc parlé de Maud Fontenoy. Elle n'était pas allée à l'école jusqu'en Terminale parce qu'elle voyageait en famille, donc, qu'elle voyait certainement encore moins de « masse » que moi (pourtant, elle n'a pas l'air d'aller trop mal !)... Et que comme moi, elle avait été déçue de la mentalité qui régnait chez les jeunes de son âge (et à l'école).Réponse : « je crois qu'on ne tombera jamais d'accord » (ah mais non, nous voici au moins d'accord sur un point !).
V. pense que l'école gratuite (oui, mais laquelle parfois !) et pour tous (euh, non désolée... voir plus haut !) est une bonne chose constitutive de notre « identité nationale » (tiens, tiens... serait-ce ce qu'on apprend à l'école ;-) ?).Ensuite, il pense vraiment que je rate quelque chose (moi, j'ai envie de lui dire : t'en rates aussi plein en allant à l'école Coco ! donc on est quittes).
Enfin, pour conclure : « qui sait (...) au lycée, tu aurais peut-être rencontré l'homme (ou la femme) de ta vie » ! J'apprécie l'ouverture d'esprit pour "homme ou femme", mais pour le reste, gros sic ! Déjà, j'en suis pas encore là, ensuite, une chose est sûre :
c'était pas toi !!!!
Mais d'autres familles n'ont pas forcément la chance de tomber "en vrai" que sur des personnes positives.
En effet, dans certaines mentalités, on en est encore aux amalgames : école à la maison, enfants reclus, maintenus dans un monde de Bisounours, mère sur-protectrice... alors qu'en réalité on en est quand même assez loin ^^ !Personnellement, j'ai plus été confrontée à la négation du bien-fondé que peut être l'école à la maison du côté d'internet que "dans la vie réelle". Bizarre, non ? (quand les gens voient nos bonnes têtes en vrai, ça fait moins peur, ils se rendent plus compte de quoi ça a l'air un non-sco ^^ ?)
Mais ce « refus » (en quelque sorte) d'admettre que oui, c'est possible de faire son bonhomme de chemin sans école, m'interpelle quand même.
Pourquoi ? Je n'ai jamais dit que tout le monde devait en faire autant. Pour moi, l'école à la maison ne pourrait pas convenir à tous les enfants... comme l'école ne convient pas à tous non plus ! Je n'ai jamais non plus remis en cause les choix des autres d'envoyer leurs enfants à l'école, ou d'aller à l'école (alors qu'à nous, on nous demande de nous justifier sur notre choix...).
J'ai juste souhaité défendre un peu mon mode d'instruction qui est mal connu et auquel on accole souvent des préjugés qui n'ont pourtant pas lieu d'être !
Alors pourquoi certaines personnes cherchent à se persuader qu'en ne suivant pas des chemins tout tracé par la société, on va rater notre vie (on en est pourtant loin pour notre part...) ? Pourquoi dès qu'on ne colle pas aux attentes « normales », on leur inspire un sentiment de crainte mêlé d'inquiétude ?
Parfois, j'ai eu l'impression que ces gens réagissaient comme si notre expérience leur renvoyait une image négative d'eux-mêmes et les remettait en cause quand même (alors que ce n'était pas le but).Ce n'est pourtant pas ce que nous voulions. Juste de la compréhension. Alors j'ai appris à ignorer ces réactions-là, à seulement expliquer notre démarche, sans obligation de l'approuver, mais de la respecter (et si possible, de chercher à la comprendre). D'où la citation du moment d'André Malraux dans la colonne de droite : « Juger, c'est de toute évidence ne pas comprendre, puisque, si l'on comprenait, on ne pourrait pas juger ».
À méditer :-).
P.S. : je suis vraiment désolée d'avoir rédigé un véritable pavé ... c'est sincère.
* En guise de petit rappel, « non-sco » est le diminutif de « non-scolarisé / non-scolarisant ». J'englobe sous ce terme les enfants recevant une instruction hors d'une école, que ce soit sous la forme de cours par correspondance ou non.
Tags : les autres, école à la maison, préjugés, internet